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Ni Putes Ni Soumises 56
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1 mai 2007

Ecr...l'inf...!

Sur le fanatisme religieux, aurions-nous peur aujourd'hui d'écrire en toutes lettres ce que Voltaire écrit en abrégé : écrasons l'infâme ?

Quel est ce pays où, pour avoir des chances d'être respectée par les hommes, une femme doit bannir la jupe, les escarpins et le maquillage, s'habiller de joggings flottants et de baskets, cacher sa chevelure sous un voile ? Où, dans une cité de banlieue, un petit caïd de la drogue fait brûler vive la petite amie d'un rival qui lui a flanqué une raclée ? En Afghanistan ? En Iran ? En Arabie Saoudite ? Vous n'y êtes pas . Nous sommes en sorbonne, où des docteurs barbus délibèrent gravement sur le droit des filles à montrer leurs cheveux ; au sénat, où une commission officielle fait un accueil glacial à Chahdorrt Djavann venue plaider contre le voile islamique; ou encore à la cité Balzac de Vitry-sur-Seine où, il y a un an, une fille de 17 ans, Sohane, aété arrosé d'essence et brûlée "parce qu'elle n'aurait pas dû se trouver là".

J'entends bien qu'en France le voile n'est pas encore obligatoire. Et que Nono, le bourreau de Sohane, est un psychopathe qui voulait faire "un truc complètement ouf". Qu'il ne faut pas, à partir de cas particuliers, jeter l'opprobe sur les cités, encore moins sur l'ensemble des musulmans. J'entends. J'entends bien.

Seulement, quand j'apprends que lors de l'"incident" du 4 octobre 2002 les forces de l'ordre intervenant pour sauver Sohane ont été accueillies par des insultes et des jets de pierres; que, dans les jours suivants, une collecte a eu lieu dans la cité pour organiser la défense de la petite frappe meurtrière; que la plaque apposée à la mémoire de Sohane a été brisée, que celle qui lui aété substituée évite soigneusement la mention "brûlée vive"; que, lors de la reconstitution du crime, le criminel a été acclamé; et enfin qu'il n'a toujours pas été possible d'organiser à la cité Balzac de Vitry un comité Ni Putes Ni Soumises, je m'interroge : jusqu'où ira la compréhension et l'indulgence pour des comportements qui sont la négation même de la vie en société ? a quel déni de civilisation nous conduit la spirale de la sociologie compassionnelle ?

Car enfin le voile est une très vieille histoire. Au XVIIe siècle, dans une France presque toute entière catholique, les femmes montraient non seulement leur chevelure mais leurs seins jusqu'à l'extrémité (excluse) du tétin. Tartuffe, le fondamentaliste de l'époque, avise Dorine, la servante : "Avant que de parler, prenez donc ce mouchoir. Comment ? Couvrez ce sein que je ne saurais voir". la suite démontre que les pères-la-pudeur sont le plus souvent des obsédés sexuels. Dieu merci, il n'y avait pas, dans la France de Louis XIV, de sociologues compassionnels. Il y avait Molière.

Qui ne voit pas que le voile islamique, c'est-à-dire la discrimination par le vêtement,ne laisse aux femmes qu'une alternative, très bien comprise par le collectif qui s'est constitué après la mort de Sohane : putes ou soumises ? Ménagères ou courtisanes, disait Proudhon. Chacune portera l'uniforme de la profession. Il paraît que commence à revenir à la surface le débat sur la mixité dans les écoles et sur le port du tablier-uniforme. Après la capitulation de toute la société devant le pire des machismes, c'est-à-dire  le machisme religieux, ce débat  sur la mixité était fatal. Quant au port de l'uniforme, ne voyez-vous pas qu'il cherche à se réintroduire clandestinement ? Ce ne sera pas le tablier, ce sera le voile. Vrai ou supposé, le précepte religieux fera la loi dans les établissements de la République. Quand la tolérance aboutit au triomphe de l'intolérance; quand le libéralisme conduit au développement du fanatisme; quand l'émancipation des femmes se solde par la réduction en esclavage d'une minorité d'entre elles, alors il faut s'interroger sur l'incapacité d'une société à faire respecter ce qui fait tenir ensemble tous ses membres, toutes ses composantes.

Revenons à Sohane. Sohane est une matyre de la cause féminine. Sohane est une victime du fanatisme, de la pire des bêtise, de celle qui s'abrite hypocritement derrière le prétexte religieux. Quand Voltaire, qui est le patron de tous les vrais laïques et de tous les vrais croyants, s'avise du rôle que la bêtise fait jouer à la religion, il note prudemment, car nous sommes sous l'Ancien Régime : "Ecr...l'inf..". Aurions-nous peur aujourd'hui d'écrire en toutes lettres ce que Voltaire est obligé d'écrire de façon cryptée : écrasons l'infâme ?

La chronique de Jacques JULLIARD.
Le Nouvel Observateur, 9-15 Octobre 2003.


Cet article date de 2003.
Je me demande aujourd'hui, 4 ans après, si les choses ont évolué. Peut-on le croire, à l'heure où vient de se terminer un procès sur les caricatures de Mahomet, à l'heure où vient de se terminer le procès sur la mort de Gophrane lapidée, à l'heure des présidentielles ?

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